Comment faire des hypothèses de lecture sur un texte ?

Dernière modification effectuée le 15-11-2018.

Mieux lire : hypothèses de lecture et prise d’indices

- Qui est Lucien ?
Lucien est un bébé en train de naître (fœtus).

- Citez les mots du texte qui évoquent la souffrance.
"Douleurs épouvantables", "serré dans un étau", "écrasé par le poids", "ce mal", "écartelait", "brisait ses muscles à coups de bâton", "un carcan l’emprisonnait", "ondes douloureuses", "douleur si forte", "déchirement" sont des termes qui évoquent la souffrance (et même la torture !).

- Par quel mot Lucien est-il désigné dans le second paragraphe ?
C’est le mot "malheureux" qui désigne Lucien dans le second paragraphe.

- Pourquoi l’auteur emploie-t-il ce terme ?
Ce terme indique qu’il va souffrir. On cherche à apitoyer le lecteur sur son sort.

- De la ligne 22 à 25, quel est le sentiment éprouvé par Lucien ?
Le sentiment éprouvé par Lucien est celui de solitude.

- Comment l’auteur met-il en valeur ce sentiment ?
Le sentiment est évoqué par des mots de la même famille, parfois répété : solitude, seul, terriblement seul, solitaire. L’auteur insiste donc.

- Pourquoi l’auteur parle-t-il d’un "passage" ?
Le passage est celui du ventre maternel (monde chaud, douillet et clos) au monde humain (inconnu, vaste, etc.). Il s’agit aussi bien d’un passage au sens figuré qu’un passage au sens propre (on parle du bébé qui "descend" d’où les contractions maternelles…).

- En relisant ce texte, cite au moins 4 expressions ou phrases qui permettent de deviner qui est Lucien.
A la relecture, un certain nombre d’indices "sautent" aux yeux et paraissent évidents :
"Douillettement recroquevillé sur lui-même", "léger", "inexistence" "flottait dans l’air ou peut-être dans l’eau", "ce courant qui l’entraînait loin de ses rivages familiers", "franchir le passage", éclair l’aveugla", "embrasa ses poumons", "poussa un cri strident".

- Quand le lecteur apprend-il l’identité de Lucien ?
Le lecteur apprend l’identité de Lucien dans les deux dernières phrases ("sage-femme", "c’est un garçon", "Lucien était né").

- Pourquoi l’auteur a-t-il choisi ce moment-là pour la révéler ?
L’auteur attend la fin pour ménager un effet de surprise, pour étonner le lecteur qu’il a sans doute piégé.

- Sur combien de temps se déroule cette histoire ?
Plusieurs réponses possibles : 9 mois, temps de la grossesse, si on considère que le premier § représente la durée de la gestation et le reste, la durée de l’accouchement.
Soit quelques heures, si on considère que le premier § indique l’état dans lequel il se trouve au moment de l’accouchement qui lui dure, en général, au moins quelques heures…

- Comment appelle-t-on un texte entier court comme "Lucien" ?
Ce texte est une nouvelle.

- Comment appelle-t-on la fin d’un tel texte ?
Cette fin s’appelle une chute (dénouement surprenant).

* Les compétences/notions à mettre en œuvre : elles peuvent être acquises, en cours d’acquisition, non acquises
 la distinction auteur/narrateur/personnage
  la notion de point de vue, à défaut de celle de focalisation
 la notion de chute
  les reprises nominales et pronominales, les substituts
  les champs lexicaux
  les différents discours (direct, indirect, indirect libre)
  une attention soutenue aux détails signifiants, aux métaphores
  la capacité à justifier les réponses à l’aide des éléments du texte…

Lucien

Lucien était douillettement recroquevillé sur lui-même. C’était là une position qu’il lui plaisait de prendre. Il ne s’était jamais senti aussi heureux de vivre, aussi détendu. Tout son corps était au repos et lui semblait léger. Léger comme une plume, comme un soupir. Comme une inexistence. C’était comme s’il flottait dans l’air ou peut-être dans l’eau Il n’avait absorbé aucune drogue, usé d’aucun artifice pour accéder cette plénitude des sens. Lucien était bien dans sa peau. Il était heureux de vivre. Sans doute était-ce un bonheur un peu égoïste.
Une nuit, le malheureux fut réveillé par des douleurs épouvantables.
Il se sentit comme serré dans un étau, écrasé par le poids de quelque fatalité. Quel était donc ce mal qui lui fondait dessus ! Et pourquoi sur lui plutôt que sur un autre ? Quelle punition lui était là infligée ? C’était comme si on l’écartelait, comme si on brisait ses muscles à coups de bâton. “Je vais mourir”, se dit-il.
La douleur était telle qu’il ferma les yeux et s’y abandonna. Il était incapable de résister à ce flot qui le submergeait, à ce courant qui l’entraînait loin de ses rivages familiers. Il n’avait plus la force de bouger. C’était comme si un carcan l’emprisonnait de la tête aux pieds. Il se sentait attiré vers un inconnu qui l’effrayait déjà. Il lui sembla entendre une musique abyssale. Sa résistance faiblissait.
Le néant l’attirait vers lui.
Un étrange sentiment de solitude l’envahit alors. Il était seul dans son épreuve, terriblement seul. Personne ne pouvait l’aider. C’était en solitaire qu’il lui fallait franchir le passage. Il ne pouvait en être autrement.
Ses tempes battaient, sa tête était traversée d’ondes douloureuses. Ses épaules s’enfonçaient dans son corps. “ C’est la fin”, se dit-il encore. Il lui était impossible de faire un geste.
Un moment, la douleur fut si forte qu’il crut perdre la raison et soudain ce fut comme un déchirement en lui. Un éclair l’aveugla. Non, pas un éclair, une intense et durable lumière plus exactement. Un feu embrasa ses poumons. Il poussa un cri strident. Tout en l’attrapant par les pieds, la sage-femme dit : “ C’est un garçon.”
Lucien était né.

Claude BOURGEYX, Les Petits Outrages, éd. Le Castor astral, I984.
Texte proposé dans "Nouvelles du XXe siècle" (France), Anthologie réalisée par D. Goupil. Œuvres et Thèmes. Classiques Hatier. 1997.

Élizabeth VLIEGHE

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